La Chienne. 1931. Jean Renoir.

[Rex Lee]

Le rideau se lève sur un spectacle de marionnettes avec Guignol.
Une voix off s'adresse aux spectateurs:
« La pièce que nous allons vous montrer n'est ni un drame, ni une comédie. Elle ne comporte aucune intention morale, et elle ne vous prouvera rien du tout. Les personnages ne sont ni des héros, ni de sombres traitres. Ce sont de pauvres hommes : comme moi, comme vous. Il y en a trois principaux : lui, elle, et l'autre. Comme toujours. »
Sont ensuite présentés les personnages du film:
« Lui, c'est un brave type, pas tout jeune, et extrêmement naïf. Il s'est fait une culture intellectuelle et sentimentale au-dessus du milieu où il évolue, de telle sorte que dans ce milieu, il a exactement l'air d'un imbécile.  Elle, c'est une petite femme qui a son charme à elle et sa vulgarité personnelle. Elle est toujours sincère, elle ment tout le temps. [...] L'autre, c'est le môme Dédé. Et rien de plus. »
Voilà, tout est en place: un employé modèle, une prostituée ("la chienne" du titre, on l'aura compris) et son souteneur. Tout est prêt pour que l'enchaînement des situations conduise à l'inévitable: le meurtre de la prostituée. Bon, je n'entre pas dans les détails.

Les intentions de Renoir ont été clairement présentées au début du film et, en effet, cette histoire n'est pas très morale, elle n'a rien d'un mélo, n'est en aucun cas larmoyante. On sourit parfois de la légèreté avec laquelle Renoir traite son sujet. Ainsi, Legrand, l'employé modèle, doit subir les sarcasmes d'une épouse acariâtre et lorsque il rencontre le premier mari de la mégère, ils s'entendent comme larrons en foire!
Legrand, c'est Michel Simon. Impeccable, comme toujours.
La prostituée, c'est la jeune Janie Marèse dont ce fut le dernier  film. Morte à l'âge de 23 ans dans un accident de la route. C'est Georges Flamant  (Dédé le souteneur dans le film) qui conduisait et cela a ruiné sa carrière, Michel Simon lui en voulant à mort! (Merci Wikipédia)
Et quand l'histoire se termine, on revient au spectacle de Guignol.
Remarquable!
Remarquable également est le rythme du film qui juxtapose des scènes très courtes, certaines ne dépassant pas les dix secondes.
Que dire de plus? Rien, si ce n'est que nous avons affaire à un chef-d’œuvre du début du parlant!



Pavé de presse datant du 20 novembre 1931.

[Faja]

La Chienne, c'est le premier grand film de RENOIR et le premier grand rôle de Michel SIMON.
Sur Dailymotion, on peut les voir tous les deux dans un entretien filmé en 1966 dans une guinguette ; ils parlent avec émotion de ce film.
Jean RENOIR raconte : "dans La Chienne on a bien rigolé et on a bien pleuré parce que La Chienne est un sujet tragique qui a entraîné des tragédies dans la vie" (allusion au destin de Janie Marèze).
Michel SIMON avoue à Renoir : "La Chienne, je l'ai tournée pour vous".
Effectivement, il se donne à fond dans son interprétation de Maurice ; il serait plus juste de dire qu'il EST Maurice, comme il sera tous les autres personnages de tous ses autres films et de toutes ses pièces de théâtre, jusqu'à l'épuisement.