Drôle de Drame - 1937 - Marcel Carné

[Faja]

Les Molyneux, respectables bourgeois londoniens (Michel SIMON et Françoise ROSAY) viennent de perdre leurs domestiques quand leur cousin l'évêque de Bedford (Louis JOUVET) s'invite à dîner chez eux.
Irwin Molyneux lui fait alors croire que son épouse est absente alors qu'elle s'affaire en cuisine.
Mais intrigué par la nervosité de son cousin pendant le repas, l'évêque soupçonne une disparition inquiétante et il finit par appeler Scotland Yard.

C'est parti pour une aventure abracadabrantesque peuplée de personnages farfelus, comme ce laitier (Jean-Pierre AUMONT) qui pour voir la secrétaire dont il est amoureux livre quotidiennement et gracieusement des bouteilles de lait qui s'amoncellent dans la cuisine de ses employeurs, comme cet inquiétant ami des bêtes (Jean-Louis BARRAULT) qui pour les venger est devenu tueur de bouchers, comme cet évêque anglican père de famille nombreuse qui s'est entiché d'une danseuse de Revues.

Cette comédie caustique tournée en trois semaines est la deuxième réalisation de Marcel CARNE, un cinéaste trentenaire assisté pour le scénario et les dialogues du poète Jacques PREVERT avec lequel il fera plusieurs films dont certains sont de purs chef-d'œuvres.
Quant à la musique, elle est de Maurice JAUBERT, un ami de RAVEL, dont la partition espiègle colle parfaitement au ton du film et qui travaillera avec les plus grands metteurs en scène de l'époque avant de mourir pour la France en juin 1940, à 40 ans.

Le jeune réalisateur ne respecte rien, ni la morale, ni la religion, ni la police.
Son complice le dialoguiste, brillant joueur de mots, met dans la bouche de ses personnages des aphorismes et des répliques du genre :
-"une double vie ce n'est pas une vie"
-"on ne se marie pas pour être heureuse"
-"quand le mari meurt, la femme pleure"
-"moi j'ai dit bizarre, bizarre, comme c'est bizarre"
-"tout ce qu'elle aimait c'était dépenser, recevoir, paraître, alors je l'ai fait disparaître"
Et quand ils sont dits par des interprètes aussi exceptionnels que Michel SIMON, Louis JOUVET ou Françoise ROSAY, ils prennent une saveur encore plus intense.

Cette œuvre débridée qui accumule les saynètes hilarantes ou absurdes peut soudain devenir grave comme dans la séquence finale où un jeune enfant oublié par une foule en marche, hurlante et assoiffée de lynchage, reste seul planté sur les pavés, symbole d'une dissidence riche d'espoirs ; mais un homme répétant "A mort, à mort" vient le récupérer... dans tous les sens du terme.

Un tel film n'a pu que décontenancer le public à sa sortie, comme il continue d'ailleurs de diviser les critiques cinématographiques (sur dvdclassik, il n'obtient que la note de 5/10).
Pourtant, jamais plus Marcel CARNE ne retrouvera une telle impertinence, une telle fantaisie.
C'est une perle unique et précieuse qui bénéficie d'un superbe écrin grâce aux éditions ESC (nouveau master restauré en 4K).

[old timer]

J'ai toujours adoré ce film, depuis mon enfance (il passait régulièrement  la télé à l'époque) pour son ton absolument unique et son intrigue absurde, avec les meilleurs acteurs français des années 30. J'ai donc récemment acheté le DVD simple de chez ESC:
(même jaquette que dans ton message, mais sur fond blanc)



DVD qui compte en bonus un making-of de 50 mn centré sur le duo Carné-Prévert. A recommander !