Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
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Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
Près du canal Saint-Martin à Paris, l'hôtel du Nord que dirige Lecouvreur (André BRUNOT) est fréquenté par des clients aussi différents qu'Edmond, un souteneur (Louis JOUVET) et sa maîtresse Raymonde (ARLETTY) ou Prosper, un éclusier donneur de sang (Bernard BLIER) et son épouse.
Alors qu'un repas de première communion s'y déroule, un jeune couple (Renée/ANNABELLA et Pierre/Jean-Pierre AUMONT) se présente et demande une chambre pour la nuit.
Comme tout a été dit et écrit sur ce chef-d'œuvre d'avant-guerre que je viens de déguster une nouvelle fois, je me bornerai à quelques sensations immédiates.
Entre un suicide raté dans la chambre 16 et un suicide réussi dans la chambre 14, une étrange malédiction semble avoir frappé l'hôtel du Nord.
D'autant que les hommes et les femmes qui le fréquentent sont pris d'une envie soudaine de "changer d'atmosphère" : Ginette l'épouse insatisfaite de Prosper l'éclusier s'égare avec le fringant Kénel (ANDREX), Renée déçue par son fiancé Pierre s'offre une petite escapade avec Edmond le souteneur et Prosper se console du départ de sa femme dans les bras de Raymonde la prostituée qu'Edmond a abandonnée.
C'est un théâtre de marionnettes manipulées par le mal de vivre plutôt que par le goût de la gaudriole, avec pour décors un coin de Paris et un hôtel en carton-pâte.
Marcel CARNE met en scène avec sensibilité les agitations de tous ces personnages tandis qu'Henri JEANSON met en mots pétillants leurs sentiments, leurs angoisses ou leurs rêves : l'assemblage est parfait.
Et comme les interprètes principaux ont pour nom ARLETTY et JOUVET, tout devient forcément sublime.
Pour la photo finale - puisque l'amour éternel doit triompher- les deux fiancés Renée et Pierre retournent s'asseoir sur le banc public où ils s'étaient assis avant de franchir la porte de l'hôtel du Nord, au début du film.
Une façon de gommer le passé ou d'affirmer qu'il ne s'est rien passé.
- Viens, maintenant c'est fini dit Renée
- Quoi donc ? demande Pierre
- L'hôtel du Nord répond Renée
Sur l'écran le mot FIN enfonce le clou, comme un pléonasme.
Parce que le septième art, c'est l'art de la mystification.
Faja- Enzo G. Castellari
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Re: Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
Faja a écrit:Henri JEANSON met en mots pétillants leurs sentiments, leurs angoisses ou leurs rêves ...
Et on (je?) s'(m') lasse pas:
_________________
Dis-donc, toi, tu sais que tu as la tête de quelqu’un qui vaut 2000 dollars?
Rex Lee- Sergio Leone
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Localisation : 19
Re: Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
Je viens de terminer la lecture de l'Hôtel du Nord d'Eugène DABIT publié en 1929 qui a inspiré Marcel Carné.
Je n'avais encore rien lu de cet écrivain français né en 1898 et mort en URSS en 1936 auquel le bon vieux Lagarde et Michard n'a pas dû consacrer beaucoup de lignes.
Le roman se déroule dans un hôtel parisien au bord du canal Saint-Martin, depuis son acquisition par les Lecouvreur jusqu'à sa démolition ; une façon pour l'auteur de rendre hommage à ses parents, gérants de 1923 à 1942 de cet établissement qui en réalité n'a pas été détruit.
C'est une chronique limpide et poignante qui, en 200 pages, 35 chapitres et autant de personnages bigarrés, parle avec des mots gorgés d'empathie, du petit peuple de Paris, clients du bar ou de l'hôtel.
Mais le film et le roman ont très peu de similitudes : le même cadre, des noms et des prénoms identiques, quelques individus aux traits communs, rien de plus.
Alors que l'intrigue du roman s'émiette en de multiples personnages, celle du film se concentre essentiellement sur 3 couples, Aumont/Annabella, Jouvet/Annabella, Jouvet/Arletty qui représentent 3 formes d'amour : l'amour triste, l'amour rêvé et l'amour vache.
Quant à l'inimitable Louis JOUVET alias Raymond, Paulo et Robert, il est le pivot polymorphe de cette histoire, ce même Jouvet qui n'aimait pas se voir dans ses films et avait confié à Henri JEANSON : "Moi dans la salle et moi sur l'écran, ça fait déjà beaucoup trop de monde".
Pour ma part, Jouvet j'en veux et j'en redemande ; treize à la douzaine, pour un plaisir décuplé.
Faja- Enzo G. Castellari
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Date d'inscription : 10/10/2021
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Localisation : Nouvelle-Calédonie
Re: Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
Un des chefs d'oeuvre de Marcel Carné; je suis allé me balader un dimanche une fois devant le vrai HOTEL DU NORD, c'est devenu "boboland" , il manquait que du Vincent Delerm en fond sonore
cyberpunk- Sergio Leone
- Messages : 2979
Date d'inscription : 15/04/2010
Age : 58
Re: Hôtel du Nord - 1938 - Marcel Carné
A voir et à revoir ce chef-d'œuvre, je me demande s'il ne faudrait pas l'intituler "Hôtel du Nord ou les Faux départs" tellement ce thème est récurrent.
J'énumère:
- Faux départ pour l'au-delà d'AUMONT et d'ANNABELLA
- Faux départ pour Toulon de JOUVET et d'ARLETTY
- Faux départ pour Port Saïd de JOUVET et d'ANNABELLA
- Faux départ pour Dieppe de BLIER et de Paulette DUBOST
Et tous ces faux départs font écho à celui de GABIN pour le Venezuela dans Quai des Brumes sorti quelques mois plus tôt en mai 1938 mais scénarisé et dialogué par PREVERT qui de 1936 à 1946 accompagnera CARNE dans 7 des 8 films qu'il réalisera.
En effet, c'est par défaut -Prévert est aux USA- que Carné confiera à Henri JEANSON l'écriture des dialogues d'Hôtel du Nord.
Et on peut y entendre ce célèbre échange entre Jouvet et Arletty :
Jouvet - J'ai besoin de changer d'atmosphère et mon atmosphère c'est toi.
Arletty - Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?
que Prévert se fera un malin plaisir de dupliquer à sa façon dans Le Jour se lève sorti en 1939:
Gabin - Je voudrais que tu gardes un bon souvenir de moi.
Arletty- Des souvenirs, des souvenirs, est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour avec
des souvenirs ?
Par un hasard étonnant, Prévert et Jeanson, tous les deux très talentueux, étaient nés la même année, en 1900 et à 1 mois d'intervalle.
Mais Carné avait certainement plus d'affinité avec le poète humaniste qu'avec l'éternel adolescent polémiste dont Marcel Pagnol disait "qu'il préférait s'amuser à piquer des banderilles sur les gens" !
J'énumère:
- Faux départ pour l'au-delà d'AUMONT et d'ANNABELLA
- Faux départ pour Toulon de JOUVET et d'ARLETTY
- Faux départ pour Port Saïd de JOUVET et d'ANNABELLA
- Faux départ pour Dieppe de BLIER et de Paulette DUBOST
Et tous ces faux départs font écho à celui de GABIN pour le Venezuela dans Quai des Brumes sorti quelques mois plus tôt en mai 1938 mais scénarisé et dialogué par PREVERT qui de 1936 à 1946 accompagnera CARNE dans 7 des 8 films qu'il réalisera.
En effet, c'est par défaut -Prévert est aux USA- que Carné confiera à Henri JEANSON l'écriture des dialogues d'Hôtel du Nord.
Et on peut y entendre ce célèbre échange entre Jouvet et Arletty :
Jouvet - J'ai besoin de changer d'atmosphère et mon atmosphère c'est toi.
Arletty - Atmosphère, atmosphère, est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?
que Prévert se fera un malin plaisir de dupliquer à sa façon dans Le Jour se lève sorti en 1939:
Gabin - Je voudrais que tu gardes un bon souvenir de moi.
Arletty- Des souvenirs, des souvenirs, est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour avec
des souvenirs ?
Par un hasard étonnant, Prévert et Jeanson, tous les deux très talentueux, étaient nés la même année, en 1900 et à 1 mois d'intervalle.
Mais Carné avait certainement plus d'affinité avec le poète humaniste qu'avec l'éternel adolescent polémiste dont Marcel Pagnol disait "qu'il préférait s'amuser à piquer des banderilles sur les gens" !
Faja- Enzo G. Castellari
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