Police spéciale. The Naked Kiss. 1964. Samuel Fuller.
2 participants
Page 1 sur 1
Police spéciale. The Naked Kiss. 1964. Samuel Fuller.
Après avoir assommé son souteneur, Kelly, une prostituée, fuit durant deux ans et arrive dans une petite ville pour changer de vie. Elle y rencontre d'abord le flic Griff qui veut la faire "travailler" dans la boîte de Candy, une maquerelle qui recrute volontiers de la chair fraîche. Mais Kelly, qui veut se ranger, décline son offre. Elle trouve un poste d'infirmière dans un hôpital spécialisé dans les soins dispensés à des enfants handicapés. Elle y fait de l'excellent travail. L'hôpital a été créé par le notable de la ville, Grant, qui la demande en mariage. Elle lui avoue son passé, ce qui ne le dérange pas. Bientôt, elle découvre que son futur époux est un pédophile. S'ensuit une dispute au cours de laquelle elle le tue...
A mi-chemin entre le polar et le drame, voici un film à petit budget dans lequel Fuller fait montre de son grand talent. Il y a des séquences d'une incroyable violence, des ellipses narratives et des personnages bien dessinés, y compris les secondaires. Et tout le film repose sur les épaules de Constance Towers, excellente dans son rôle de Kelly.
La séquence de pré-générique dans laquelle Kelly tabasse son souteneur qui lui a rasé le crane...
Et puis, elle ajuste sa perruque, se remaquille...
Parfait...Elle peut vider les lieux.
N.B: Le titre français n'a aucun rapport avec cette sombre histoire de rédemption, même s'il y a un flic véreux dans ce film.
_________________
Dis-donc, toi, tu sais que tu as la tête de quelqu’un qui vaut 2000 dollars?
Rex Lee- Sergio Leone
- Messages : 6429
Date d'inscription : 06/04/2010
Age : 68
Localisation : 19
Re : Police Spéciale - The Naked Kiss - 1964 - Samuel Fuller
On peut dire que The Naked Kiss est un mélodrame pervers puisque Samuel FULLER lui même a qualifié Shock Corridor, son film précédent, de " mélodrame incisif ".
On peut dire aussi que The Naked Kiss est la suite de Shock Corridor .
En effet Kelly et Cathy sont une seule et même personne qu'une même actrice interprète fabuleusement, la trop rare Constance TOWERS.
Kelly le révèle elle-même à Griff le policier, à la fin du film : " Un homme une fois m'a embrassée comme ça et il a été interné. J'ai éprouvé la même chose quand Grant m'a embrassée. C'était ce qu'on appelle un naked kiss ( un baiser nu, dépourvu de toute sensualité ).
L'homme dont elle parle, c'est Johnny son compagnon journaliste qui à la fin de Shock Corridor sombre dans la folie qu'il a voulu simuler.
Et Samuel FULLER confirme cette continuité en mettant Shock Corridor à l'affiche du cinéma devant lequel passe Kelly à son arrivée en ville.
Mais une question se pose. Qui est vraiment Kelly ? Une femme violente et dominatrice ou une femme attentionnée ? Une femme sincère ou une femme opportuniste et hypocrite ? Ou pourquoi pas les unes et les autres à la fois ?
Samuel FULLER joue constamment sur cette ambiguïté dans le comportement, les propos, les mimiques de Kelly.
Et pour déconcerter encore davantage le spectateur, il enfonce le clou avec une mise en scène très théâtrale.
Un exemple : quand Kelly et Grant regardent ensemble un film super 8 sur Venise et ses gondoles ( symbole défraichi de l'amour ), FULLER se laisse aller à traiter la séquence comme le ferait un auteur de roman-photo ou un poète romantique sirupeux.
Cette théâtralité assumée atteint son paroxysme à la fin du film quand Kelly, après avoir donné à Griff un baiser sur la bouche qui n'est manifestement pas un naked kiss, sort libre du poste de police : de nombreux habitants sont venus pour la voir mais leurs visages sont fermés ; elle les regarde durement et après avoir embrassé ses seules vraies amies, elle traverse la foule qui s'ouvre devant elle comme la mer Rouge devant Moïse ; elle s'arrête à côté d'un landau pour rassurer un bébé qui pleure comme au début du film ( la boucle est bouclée ), puis elle passe sous une banderole qui, comme au début du film, annonce un évènement organisé au profit des enfants handicapés de la clinique orthopédique ( la boucle est bouclée une seconde et dernière fois ).
Ce film foisonnant aborde des thèmes aussi différents que la prostitution ( avec notamment la maison close de " Candy à la carte " et ses filles-bonbons ), la pédophilie ou le handicap des enfants ; et si on est bien attentif ou bien informé, il est parsemé de références diverses qui l'enrichissent.
En ancien journaliste, Samuel FULLER inscrit en effet son film dans l'histoire contemporaine : tout commence le 4 juillet 1961, jour de la fête nationale américaine, quelques mois après l'investiture de Kennedy et s'achève le 5 janvier 1964 quelques semaines seulement après son assassinat ; par ailleurs, quand Grant dit à Kelly que " l'amour de la poésie est rare à l'heure des missiles ", il fait allusion à la crise des missiles de Cuba en octobre 1962.
Mais il n'oublie pas aussi de faire référence, comme un clin d'œil, à son œuvre cinématographique et littéraire : en plus de l'affiche de Shock Corridor déjà évoquée, le livre que lit Kelly sur le banc public où Griff la rejoint au début du film est intitulé " The Dark Page " et c'est le premier roman de Samuel Fuller, un polar écrit en 1944 et qui sera publié en France dans l'éphémère " Série Rouge " en 1950, sous le titre "Eh bien, dansez maintenant".
Finalement, avec ce film très original comme tant d'autres ( Le Port de la Drogue, Quarante tueurs, China Gate, Shock Corridor ou Au-delà de la Gloire ), Samuel FULLER toujours aussi excessif, nous montre une fois encore qu'il est l'un des cinéastes les plus passionnants du XXème siècle.
On peut dire aussi que The Naked Kiss est la suite de Shock Corridor .
En effet Kelly et Cathy sont une seule et même personne qu'une même actrice interprète fabuleusement, la trop rare Constance TOWERS.
Kelly le révèle elle-même à Griff le policier, à la fin du film : " Un homme une fois m'a embrassée comme ça et il a été interné. J'ai éprouvé la même chose quand Grant m'a embrassée. C'était ce qu'on appelle un naked kiss ( un baiser nu, dépourvu de toute sensualité ).
L'homme dont elle parle, c'est Johnny son compagnon journaliste qui à la fin de Shock Corridor sombre dans la folie qu'il a voulu simuler.
Et Samuel FULLER confirme cette continuité en mettant Shock Corridor à l'affiche du cinéma devant lequel passe Kelly à son arrivée en ville.
Mais une question se pose. Qui est vraiment Kelly ? Une femme violente et dominatrice ou une femme attentionnée ? Une femme sincère ou une femme opportuniste et hypocrite ? Ou pourquoi pas les unes et les autres à la fois ?
Samuel FULLER joue constamment sur cette ambiguïté dans le comportement, les propos, les mimiques de Kelly.
Et pour déconcerter encore davantage le spectateur, il enfonce le clou avec une mise en scène très théâtrale.
Un exemple : quand Kelly et Grant regardent ensemble un film super 8 sur Venise et ses gondoles ( symbole défraichi de l'amour ), FULLER se laisse aller à traiter la séquence comme le ferait un auteur de roman-photo ou un poète romantique sirupeux.
Cette théâtralité assumée atteint son paroxysme à la fin du film quand Kelly, après avoir donné à Griff un baiser sur la bouche qui n'est manifestement pas un naked kiss, sort libre du poste de police : de nombreux habitants sont venus pour la voir mais leurs visages sont fermés ; elle les regarde durement et après avoir embrassé ses seules vraies amies, elle traverse la foule qui s'ouvre devant elle comme la mer Rouge devant Moïse ; elle s'arrête à côté d'un landau pour rassurer un bébé qui pleure comme au début du film ( la boucle est bouclée ), puis elle passe sous une banderole qui, comme au début du film, annonce un évènement organisé au profit des enfants handicapés de la clinique orthopédique ( la boucle est bouclée une seconde et dernière fois ).
Ce film foisonnant aborde des thèmes aussi différents que la prostitution ( avec notamment la maison close de " Candy à la carte " et ses filles-bonbons ), la pédophilie ou le handicap des enfants ; et si on est bien attentif ou bien informé, il est parsemé de références diverses qui l'enrichissent.
En ancien journaliste, Samuel FULLER inscrit en effet son film dans l'histoire contemporaine : tout commence le 4 juillet 1961, jour de la fête nationale américaine, quelques mois après l'investiture de Kennedy et s'achève le 5 janvier 1964 quelques semaines seulement après son assassinat ; par ailleurs, quand Grant dit à Kelly que " l'amour de la poésie est rare à l'heure des missiles ", il fait allusion à la crise des missiles de Cuba en octobre 1962.
Mais il n'oublie pas aussi de faire référence, comme un clin d'œil, à son œuvre cinématographique et littéraire : en plus de l'affiche de Shock Corridor déjà évoquée, le livre que lit Kelly sur le banc public où Griff la rejoint au début du film est intitulé " The Dark Page " et c'est le premier roman de Samuel Fuller, un polar écrit en 1944 et qui sera publié en France dans l'éphémère " Série Rouge " en 1950, sous le titre "Eh bien, dansez maintenant".
Finalement, avec ce film très original comme tant d'autres ( Le Port de la Drogue, Quarante tueurs, China Gate, Shock Corridor ou Au-delà de la Gloire ), Samuel FULLER toujours aussi excessif, nous montre une fois encore qu'il est l'un des cinéastes les plus passionnants du XXème siècle.
Faja- Enzo G. Castellari
- Messages : 270
Date d'inscription : 09/10/2021
Age : 74
Localisation : Nouvelle-Calédonie
Personne aime ce message
Sujets similaires
» Les Bas-fonds new-yorkais. Underworld U.S.A. 1960. Samuel Fuller.
» Au-delà de la gloire ( The Big Red One ) - 1980 - Samuel FULLER
» Caine - Shark! - 1969 - Samuel Fuller
» Shock Corridor - 1963 - Samuel Fuller
» Le Jugement Des Flèches - Run Of The Arrow - Samuel Fuller 1957
» Au-delà de la gloire ( The Big Red One ) - 1980 - Samuel FULLER
» Caine - Shark! - 1969 - Samuel Fuller
» Shock Corridor - 1963 - Samuel Fuller
» Le Jugement Des Flèches - Run Of The Arrow - Samuel Fuller 1957
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum