Le sergent noir – Sergeant Rutledge – 1960 – John Ford

[old timer]

Le lieutenant Tom Cantrell (Jeffrey Hunter) assure la défense d’un de ses hommes lors d’un procès en court martiale. Le sergent Rutledge (Woody Strode) , soldat noir jusque là exemplaire est accusé de viol et de meurtre. L’audition des témoins permet de reconstituer la vérité peu à peu…



Un western complet, à la fois militaire (presque tous les personnages sont soldats ou officiers) , policier (c’est une enquête pour trouver la vérité : qui est coupable ?) , judiciaire (tout tient dans la durée du procès, mouvementé, à l’américaine, avocat contre procureur, entrecoupé de flash-backs : les récits des témoins ) avec aussi les scènes attendues, magnifiques, très Fordiennes de patrouilles à Monument Valley et d’escarmouches avec les indiens.



Il y a un côté facile, un peu « Agatha Christie » dans cette intrigue, ou « John Grisham » si on préfère, mais cette formule garantit une progression sans temps morts, pleine de rebondissements, que l’on suit avec intérêt jusqu’au bout même si la résolution semble un peu rapide. Mais il y a plus que cela dans le film.

C’est donc à nouveau l’évocation de la vie militaire en Arizona par Ford après sa trilogie célèbre. Mais il s’agit du 9ème de cavalerie dit « régiment Noir » ce qui apporte une dimension sociale et historique supplémentaire. Les soldats noirs du film, et l’accusé lui-même sont d’anciens esclaves affranchis qui ont trouvé dans l’armée un foyer et une raison de vivre. Leur dévouement et leur bravoure sont donc irréprochables. Alors pourquoi Rutledge a-t-il fuit la nuit du viol ? On touche ici à un 3ème thème majeur, inévitable, celui du racisme, car pour un Noir il n’y a pas plus dangereux à l'époque que de se retrouver impliqué dans ce genre d’affaire, qu’ils appellent « White woman trouble » : toucher à une blanche c’est le crime majeur, c’est le lynchage assuré – voir la foule présente au procès pour réclamer sa mort.

Le film ressemble un peu à un film à sketches puisque chaque flash-back a sa tonalité différente. Le premier est surprenant puisqu’il a un coté film d’horreur, une femme seule en pleine nuit arrive dans une gare abandonnée, trouve un cadavre…. On ne s’attendait pas à cela chez Papy Ford. Malheureusement cette séquence, ainsi qu’ une autre, celle du bivouac nocturne des soldats, ont été visiblement réalisées en studio. Mais après tout, le film entier est un huis-clos (la salle du procès) et cela n’est pas gênant - on ne sort au grand air que pour les séquences de patrouille dont j’ai déjà parlé.



En définitive un film très riche, plein de rebondissements même si les personnages ne sont pas toujours très fouillés. Même si l’humour, comme d’habitude est un peu ras des pâquerettes (le juge qui picole en douce, etc..) il ya des vrais moments d’émotion, de l’action ,des paysages, de très bons acteurs (Jeffrey Hunter porte tout le film et Woody Strode trouve là le rôle de sa vie)

Dans la dernière période de John Ford, beaucoup de films sont inaboutis et n’arrivent pas à retrouver le niveau de qualité de son dernier chef d’oeuvre « The Searchers » (la prisonnière du désert-1956). Le cinéaste est devenu âgé, a des problèmes de santé (et de boisson) et il se désintéresse vite de tournages trop longs et très éprouvants . Il n’a plus le feu sacré. Tout cela aboutira à cet étrange « Cheyenne Autumn» encore somptueux visuellement mais complètement exangue sur le plan dramatique. Cependant « Sergeant Rutledge » me semble être l’un des meilleurs, en tous cas largement supérieur à « The horse soldiers » "Two rode together" et même « Liberty Valance » dont j’ai déjà dit tout le mal que j’en pensais ailleurs.

Pourtant « le sergent noir » reste un film encore trop méconnu - et pour cause, Warner n’a même pas daigné sortir le DVD en Europe , sans doute à cause de l’absence de stars - en effet ni John Wayne ni James Stewart ou Richard Widmark pour attirer les foules ! Il mérite donc d’être redécouvert.

D'autant que le DVD zone 1 comporte la VF et les sous-titres français (et il est toutes zones):

Cependant on ne le trouve pas au détail mais au sein d'un coffret de 5 DVD Warner intitulé
"The John Ford Film Collection"

Dans ce coffret US on trouve aussi "La patrouille perdue", "Le mouchard" "Mary reine d'Ecosse" et "les Cheyennes". Tous les DVD sont toutes zones . Tous les films ont les sous-titres français.

[Rex Lee]

Merci pour cette critique très intéressante, Old Timer.
Et dire que je n'ai jamais vu ce western...
Au fait, j'étais persuadé que Woody Strode en tenait le rôle principal ( sans doute à cause du titre). A lire les affiches, il n'a qu'un rôle secondaire.

[Personne]

Bah moi, c'est simple, c'est mon préféré de papy Ford. De part la mise en image, les thèmes véhiculés que tu as très bien saisi OT et l'émotion des acteurs. Dans mon top 10!

L'affiche Française.

[Personne]

[Personne]

[old timer]

Au fait, j'étais persuadé que Woody Strode en tenait le rôle principal ( sans doute à cause du titre). A lire les affiches, il n'a qu'un rôle secondaire.

Woody Strode est effectivement très présent dans le film, il est dans pratiquement toutes les scènes, au procès, dans les flash-backs... et il a un rôle très valorisant (ses copains l'admirent tous et surnomment le Champion ("Top Soldier" en VO) Mais le héros principal reste le jeune lieutenant blanc (le film s'adresse au grand public blanc et on est encore en 1960), d'où une ou deux scènes inutiles de romance où Jeffrey Hunter roucoule avec Constance Towers...

On voit donc largement plus WS en temps de présence, que dans n'importe lequel de ses autres films, spaghs y compris. Mais ce sont les affiches qui sont trompeuses, les distributeurs ayant préféré mettre en avant les acteurs blancs pour des raisons évidentes. Au point de mettre en tête d'affiche la vénérable actrice Billie Burke, ancienne gloire du muet, qui joue le rôle de la femme du colonel qui préside la court martiale, qui n'est qu'un rôle comique pour le coup vraiment secondaire.

On aimerait croire que cette époque est révolue mais le DVD actuel reprend la même "hiérarchie" des noms sur la jaquette. Mais peut-être est-ce encore juridiquement imposé par les contrats de studio signés à l'époque ?

[MARCHAND]

Il manquait cette affiche-là !

[Personne]

Et on constate toujours que Woody Strode est écrit en tout petit!!!!

Vengeance!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


Woody Strode - Jeffrey Hunter - Constance Towers - Billie Burke

[MARCHAND]

Encore une !

[MARCHAND]

C'est du belge !

[old timer]

"Capitaine Buffalo" n'est pas un titre absurde: il vient de la chanson du film !

"Captain Buffalo" s'entend dans les 2 génériques mais aussi dans le film, chantée par les soldats noirs, et un dialogue explique le sens de ce chant qui décrit une sorte de figure idéale du soldat que Rutledge incarne parfaitement pour ses compagnons d'armes.

[Personne]

Intéressante signification du 'Buffalo Soldier'.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Buffalo_Soldier

Origine du nom

Les Kiowas donnèrent ce surnom au régiment de cavalerie par une admiration suscitée après des affrontements avec eux dans l'ouest du Kansas. On suppose que le terme fait référence soit :

- aux cheveux des soldats, réputés ressembler à la crinière des buffalos (bison d'Amérique du Nord) ;
- à des caractéristiques plus générales attribuées aux buffalos, comme la férocité, la force et l'endurance.
- ou tout simplement du fait qu'ils se couvraient de peaux de bisons durant l'hiver.

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